Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan
Source de l'image: babelio.com |
Vous savez sans doute que je n'ai pas l'habitude de publier des articles à propos d'autobiographies, mais après ma période où j'ai enchaîné pendant des semaines l'histoire de la vie des individus les plus divers j'estimais qu'au moins l'une d'entre elles méritait sa place sur ce blog. A proprement parler, ceci n'est pas une autobiographie telle qu'on l'entend, puisqu'elle est très romancée. Je n'en dirai pas plus.
Le Pitch: En 2007, la mère de Delphine de Vigan (l'auteure) décède brutalement.Elle décide donc de lui rendre un dernier hommage en produisant un livre également destiné à lever les zones d'ombre sur sa personnalité énigmatique. Au travers des lignes elle redonne vie à Lucile et à sa famille, mais également aux drames secrets de la mémoire familiale.
Selon moi la première chose à saluer est l'audace dont a fait preuve l'écrivaine pour s'atteler à un sujet aussi sensible. Elle le dit elle-même, bon nombre de ses prédécesseurs se sont attelés au portrait de leur mère, mais le lecteur se rend-t-il finalement bien compte de ce que tout cela représente? C'est un partie de son intimité que Delphine de Vigan a choisi de révéler au travers de son livre, et la tâche serait plus facile si la vie de Lucile n'était pas aussi ténébreuse. Là réside la difficulté: trouver les mots pour raconter cette mère qu'elle a vu plonger sous le coup de sa bipolarité, puis des médicaments et son retour à la vie. Il lui a fallu trouver le courage nécessaire pour aborder ses propres souvenirs, malgré leur difficulté, et les mouvements internes de sa famille. Peut-être est-ce ce groupe, le personnage principal? C'est le cadre de l'histoire de la mère et de la fille, ces parents "bobos avant l'heure", cette grand-mère passionnée de gymnastique et ce grand-père un peu intellectuel, à la progéniture nombreuses et libre. Il aura fallu mener l'écriture jusqu'au bout, et montrer coûte que coûte les douleurs, le silence et les morts qui ont miné cette famille. L'auteure a choisi d'assumer ses difficultés face à l'écriture de ce roman, sa crainte de ne pas se sentir à la hauteur, de ne pas réussir à mettre en lumière comme il le faudrait le parcours de sa mère ou de ne pas trouver les bons mots tout en devant résister à l'emprise psychologique que l'écriture possède sur elle. Si il devait y avoir une définition romancée du métier d'écrivain, ce serait celle-ci, qui présente avec tellement de justesse le lien trouble entre l'auteur et son oeuvre. A l'écriture se mêle toujours une part de la vie de celui dont elle est issue, et "Rien ne s'oppose à la nuit" est un mélange entre le journal de Delphine de Vigan au jour le jour et la lente progression de ses recherches, comme si le mur qui séparait la scène des coulisses venait de tomber, et que la petite mécanique du roman se mettait en marche. Delphine de Vigan finit par avouer sa propre impuissance: jamais elle ne parviendra à saisir exactement les pensées de sa mère, mais elle aura tenté de se rapprocher au maximum de sa vision de la Lucile qu'elle a connue. Pari réussi? On ne le saura sans doute jamais, puisque avec sa mère ont disparu ses ombres
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