Les contes à la loupe #1: La Belle au bois dormant


C'est en lisant des trucs pareils que l'on en vient à ne pas regretter son enfance DU TOUT.
Bienvenue dans le monde merveilleux des contes où les enfants se font bouffer par des sorcières pédophiles et où les gentilles princesses poussent leur belle-mère à danser dans des souliers chauffés à blanc jusqu'à ce que mort s'ensuive. Charmant, n'est-ce pas?
Mais en disant cela, je ne vous apprend rien de nouveau (#l'inutilité de Petit Pied) hormis ma fascination (glauque) pour les messages cachés des contes de fées. Non, je ne parle pas des messages subliminaux contenus dans les films disney qui en sont tirés (qui pense sincèrement que des petits dessinateurs pervers se sont amusés à leur bureau à troller leurs films de... pénis?)
Bon déjà, l'utilisation de la princesse pour héroïne c'est un grand classique, puisque bien souvent la petite fille aura envie de s'identifier à ce genre de jeune fille belle, gracieuse, pleine de qualités, qui attend le prince charmant... Et cela permet plus facilement de la manipuler dès son plus jeune âge. Si aujourd'hui on connaît une version assez soft de ces histoires ( 🌸Attention petite, ne sois pas trop curieuse sinon tu vas te faire buter par une sorcière!🌸). Mais surtout, les "qualités" dont sont affublées les héroïnes, l'obéissance, la douceur, la féminité, étaient des manières de préparer les fillettes à leur vie future qui consistait à devenir une potiche et surtout une machine à gosses bien docile!
En ce sens, la belle au bois dormant en est l'un des contes les plus iconiques! Plongeons donc non pas dans le sucré des Disney mais dans le PUR et DUR de Perrault (calmez-vous les enfants, déjà, on a évité les Grimm, ce n'est pas mal!). Pour cela, quelques précisions s'imposent.
Comme toutes les versions, celle-ci commence par un roi et une reine qui se désespèrent de ne pas avoir d'enfants, jusqu'à ce qu'arrive une gentille petite grenouille qui joue les devins et leur prédit la naissance prochaine d'un héritier. Pas bête pour deux sous, la bestiole, puisque l'année suivante leur naît une petite fille. Attention, gros cliché: celle-ci, bien sûr, comme toute princesse de conte de fées, échappe à la malédiction du nouveau-né rougeaud et fripé (NOOON sans blague!) et le roi décide de fêter ça par une grande fête.
Mais malheur! Il n'y a que douze assiettes en or pour treize fées! Et le roi, un peu radin sur les bords, décide de ne pas inviter l'une des fées. Ca commence bien. Le jour venu, tout le monde festoie, et chacune des fées offre en cadeau à la petite fille des qualités: la beauté, la gentillesse... Mais alors que la douzième fée s'apprête à lui offrir son cadeau, la fée mise de côté (appelée Carabosse dans la version de Perrault) apparaît et lance son sortilège: se piquera à un fuseau le jour de ses seize ans, blabla, et mourra. Alors que les parents se disent que finalement il sauraient mieux fait de dépenser leur foutu argent pour faire une autre assiette, la douzième fée vient à leur secours et "softifie" le sort: à la place, elle dormira "seulement" pendant cent ans et sera réveillée par un prince charmant (pour la touche glamour).
Ensuite, on connaît la suite: papa maman virent hors du château tous les rouets afin de conjurer le sort et cela fonctionne bien, jusqu'au jour de ses quinze ans où, s'étant absentés, ils laissent une princesse seule et un peu trop curieuse qui décide d'aller explorer le château. Evidemment, la sorcière avait prévu le coup, et se fait passer pour une vieille dame inoffensive. Et la malédiction prend forme: goutte de sang et Pouf! Dodo!

Cent ans passent, et la légende du royaume endormi attire les convoitises. Un jeune prince entend alors raconter par un vieil homme qu'une jeune fille, endormie pour cent ans, y attend la venue d'un prince. Point rebuté par le fait que de nombreux prétendants se sont empalés sur le mur de ronces, il décide de tenter sa chance, et l'on connaît la suite: il trouve la princesse, la réveille d'un baiser, et ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Petite chose à noter: si Disney donne à cette princesse le prénom d'Aurore, il se goure complètement. En vérité, il s'agit du prénom de sa fille; son fils quant à lui s'appelle Jour.
Happy End, vous croyez? L'histoire ne s'arrête pas là! En effet, pas de chance pour le gentil petit prince, sa mère est une ogresse! Et un jour, comme elle a faim, elle demande à manger ses petits-enfants (je vous avais prévenus, c'est vraiment gore) mais à l'aide des stratagèmes du cuisinier, les deux enfants sont sauvés. Folle de rage, la reine-mère tombe dans une bassine remplie de monstres (les piranhas avant l'heure) et tout le monde est heureux! Enfin, oui, bizarrement c'est plutôt guimauve comparé à ce qui a pu être... fait.
Perrault s'inspire largement du conte de Giambattista Basile, le Soleil, la Lune et Thalie en ce qui concerne la malédiction du sommeil de cent ans et le réveil par une tête couronnée. Mais là, les choses se compliquent vraiment. Apparemment, le Basile prend encore plus les femmes pour de la merde. Vous vous souvenez de la scène du baiser qui fait fantasmer toutes les petites filles? Eh bien ici le charmant prétendant va en profiter non pas pour l'embrasser mais pour la violer pendant qu'elle dort, au calme.


En quatre siècles d'existence, le conte n'a cessé de questionner. Pourquoi avoir introduit une intrigue aussi tordue? (Enfin bon, vous me direz, ce n'est pas tous les jours que des folles se font raboter les pieds pour rentrer dans une godasse ou que des belles-mères cuisinent des pommes empoisonnées à leur jolie belle-fille!).
La Belle au bois dormant, ce serait en fait le récit de la vie d'une femme. Naissance, adolescence, maternité et maturité, tout y est! On retrouve la figure des gentils parents idéalisés par l'enfant au travers du Roi et de la Reine, un peu comme des guides qui s'opposent à la malédiction. Souvenez-vous du Roi qui fait brûler tous les fuseaux du royaume! La bonne fée donne à la princesse les clefs pour surmonter cette épreuve sans trépasser (après tout ça, ce serait con quand même!). Mais on ne peut éviter la malédiction, portée par nature par la princesse et par toute jeune fille: "On ne naît pas femme, on le devient". Le fuseau qui fait couler le sang de la belle au bois dormant serait une référence aux menstruations, très symbolique afin que l'enfant capte le message sans pour autant tomber dans le glauque. S'ensuit l'arrivée de l'adolescence et du grand pétage de plomb "rituel" par lequel chaque jeune fille doit passer.


Puis après cette douche froide, on est "censé" tomber amoureux, mais cela peut parfois s'avérer difficile, par méfiance, par peur... d'où la forêt de ronces que le prétendant n°... (bah oui, parce que beaucoup ont essayé) devra traverser.Et après, conclusion par un baiser (bon là est-ce que j'ai vraiment besoin de vous expliquer? *gêne*). A la sortie, Monsieur et Madame auront régularisé leur situation par un passage devant le curé, parce qu'à l'époque les liaisons, c'était mal. Et s'ils ont de la chance (ou de la malchance, ça dépend du point de vue), un gosse et plus leur sera tombé sur les bras. La sorcière symbolise quant à elle la vieillesse (dans sa version la plus extrême, je suis d'accord). Ah, la merveilleuse histoire de la vie!

Il faut vraiment que j'arrête les gifs.



Pour plus d'informations:
- La Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim
- La version de Perrault
- La version des frères Grimm
- Le Soleil, la lune et Thalie de Giambattista Basile

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